50 ans de chansons, une magnifique carrière, des souvenirs, les siens, les nôtres...
Pour rien au monde je n’aurais manqué la diffusion du dernier show télévisé de Michel Sardou le samedi 21 octobre. Je ne suis pas le seul. Nous étions plus de quatre millions à avoir choisi de passer cette soirée avec Michel. Grâce à lui, France 2 a enregistré le meilleur audimat de la soirée.
100 millions de disques vendus, des semaines en tête des classements, des shows télévisés, des concerts, des tournées, cinq décennies de communion avec les Français, d’expression des sujets qui les touchaient.
Michel va nous manquer, me manquer.
Depuis le collège...
Mes premiers coups de cœur pour des chansons de Sardou remontent à l’adolescence. Les Ricains, Danton... des chansons que j‘ai adorées, comme ensuite Monsieur le Président de France, J’habite en France, Le rire du sergent, La corrida n’aura pas lieu, Le surveillant général et tant d’autres. J’écoutais ses disques si souvent que je connaissais son répertoire par cœur.
La première fois que je suis allé voir Michel Sardou en scène, c’était à l’automne 1975, à Rennes. J’étais étudiant en troisième année de droit. J’avais acheté une bonne place, près de la scène. Il m’a enthousiasmé par son charisme, son jeu, une interprétation réunissant le talent du comédien et l’énergie du champion qui donnait tout ce qu’il avait au public, avec la même force qu’un boxeur sur le ring. A la fin du concert, j’étais presque sourd. Le lendemain matin, l’audition était revenue et j‘ai pu suivre normalement mon cours de droit du travail dans l’amphi. Je suis retourné voir Michel Sardou souvent. A chaque spectacle, la magie a opéré.
Je serais bien en peine de citer ma chanson préférée de Michel Sardou. Je les aime toutes ou presque. Certaines s’associent à des souvenirs particuliers. L’été 1973, juste après avoir obtenu mon bac, j’aurais répondu La maladie d’amour, le tube de l’année. Trente-neuf ans après avoir terminé mon service militaire, une anecdote me revient en mémoire. C’était deux ou trois jours avant la quille. Conformément à la tradition, nous avons dîné dans un restaurant avec des camarades de plusieurs classes. Parmi eux, Yannick B, un bon copain qui avait travaillé sur plusieurs tournées avec des stars du show-bizz, notamment Johnny Hallyday et Sylvie Vartan. Un passionné de spectacle et de chansons. Que pouvaient chanter des appelés en fête ? Le rire du sergent bien sûr ! Yannick et moi connaissions les paroles par cœur. Alors, nous avons entraîné les autres, poursuivant en duo quand ils décrochaient. Je ne garantis pas que notre interprétation méritait des applaudissements. Nous étions jeunes, heureux de vivre, dans l’esprit de l’époque, de nos artistes favoris.
Michel Sardou et les bolides
Michel Sardou aime les voitures et les motos. Je crois qu’il a possédé au moins une Golf GTI à la fin des années 70 pour ne citer que ce modèle sportif qui me tient particulièrement à cœur. Preuve de son amour de la compétition et de la vitesse, ses participations au Dakar en qualité de navigateur de Jean-Pierre Jabouille (1984 et 1985). Michel apprécie la vitesse, la compétition et l’ambiance bivouac.
Il a fait les deux écoles, celle du spectacle comme celle du co-pilotage, et il n’a rien oublié. En 1984, il connaît la satisfaction d’une course dans le peloton de tête. La Lada Niva de l’équipage Jabouille – Sardou pointe en quatrième position lorsque le moteur casse. L’année suivante, Michel renouvelle l’expérience au côté de Jean-Pierre. Mais une nouvelle fois, la mécanique du pays de Vladimir Ilitch fait des siennes. Le temps d’une spéciale se sera écoulé, il aura passé pour rien. Puisqu’aucun Dieu du ciel ne s’intéresse à la Lada, Niva ne se relèvera pas, ses bielles sont devenues folles… Où sont passés les chemins de l’espoir ? Pas sur les pistes du Dakar 1985 en tout cas. Michel et Jean-Pierre rentrent à Paris. Quelques jours plus tard, le 26 janvier, Michel fête son anniversaire à Megève. Étant en vacances à Saint-Gervais, je saisis l’opportunité d’assister à des directs organisés autour de l’évènement. Interviewé sur ses impressions du rallye, il répondra avec l’humour qui le caractérise : « Je dois être le seul concurrent du Dakar à être rentré du rallye en pleine forme, pas fatigué du tout ».
Les pilotes sont superstitieux. J’ai pratiqué la course automobile quand j’étais jeune et je ne faisais pas exception à la règle. En course de côte, la sono du circuit diffusait souvent des variétés avant que le speaker officiel prenne la parole afin de commenter l’épreuve. Notamment le dimanche midi. J’avoue avoir toujours considéré comme un bon présage d’entendre des chansons de Michel Sardou et de Sylvie Vartan avant d’aller me présenter au départ. Des forces positives m’accompagnaient. La course s’annonçait sous les meilleurs auspices. Le sort m’adressait un clin d’oeil. Il m’encourageait à bien piloter. N’étant pas complètement idiot, je savais mon appréciation irrationnelle. Seulement, plusieurs facteurs influent sur le moral d’un sportif avant une compétition. Entendre mes artistes préférés contribuait à me donner confiance. Soucieuse de me placer dans les meilleures dispositions, mon équipe provoquait le destin. Les amis qui m’accompagnaient sur les sites de course avaient enregistré des cassettes avec mes chansons préférées de Michel Sardou et de Sylvie Vartan. Ainsi déjeunions-nous dans l’ambiance musicale Je vais t’aimer, J’accuse, Le France, Requin chagrin (remarquable duo avec Mireille Darc), Le bon temps c’est quand, Qu’est-ce qui fait pleurer les blondes, La drôle de fin, Le temps du swing, La marche en avant, J’ai 2000 ans... Je ne sais pas si Michel et Sylvie m’ont fait gagner des centièmes de seconde en piste et ont ainsi participé à mes meilleures performances. Peut-être au fond dans la mesure où les entendre contribuait à ma préparation. Ils ne le savent pas, mais ils m’ont apporté du bien-être, ces jours-là comme beaucoup d’autres quand j’écoutais leurs disques, cassettes, CD.
Ma dernière association entre Michel Sardou et les engins à moteur qui luttent contre le chronomètre reste douloureuse. S’il ne reviendra jamais sur le Dakar, Michel Sardou tâtera des sensations fortes que procure un autre monstre mécanique, l’Offshore. Il s’initiera à la discipline avec Didier Pironi et achètera un bateau à son professeur de luxe. Mais lorsqu’il apprendra la mort de Didier aux commandes du Colibri, Michel décidera de renoncer au offshore et il mettra immédiatement son bolide flottant en vente.
La dernière danse
Les années, que dis-je, les décennies, ont passé. Toutes les générations l’ont constaté ou le constateront un jour...
Les chansons de Michel Sardou sont restées présentes dans nos vies. Dans la mienne en tout cas. Victoria, Les lacs du Connemara, Musica, L’autre femme, La première fois qu’on s’aimera (en duo avec Sylvie Vartan), Manie, manie, Verdun, Je viens du sud, Rouge, Chanteur de jazz, Selon que vous serez, Marie-Jeanne, La débandade, 1965, Le cinéma d’Audiard... Et d’autres encore. Elles reviennent à l’esprit sans ordre chronologique, au rythme d’une mélodie, en symbiose avec un état d’âme, une pensée mélancolique, la conscience de la vie qui passe. C’est toujours la même eau qui coule, Un roi barbare, Je ne suis pas mort, je dors, Le figurant... Des mots, des phrases tels Ma vie ne vaut pas une vie (L’accident), La vie d’une homme qu’est-ce que ça vaut, ça ne peut pas aller bien loin, un peu de sang et beaucoup d'eau (Le prix d’un homme), Cette angoisse éternelle du déclin qui rend fou (Le Bac G), J'essaie de t'expliquer que tout peut arriver, que rien d'humain n'est éternel (Mon fils), J’aimerais que pour ma dernière danse (La dernière danse)...
Je souhaite beaucoup de satisfactions et de bonheur à Michel Sardou dans la suite de sa vie dont le volet artistique s’orientera entièrement vers le théâtre. J’ai éprouvé une grande tristesse à la fin de son dernier show télévisé. Je me sens triste de ne plus attendre son prochain album. Je suis triste de réaliser que je n’irai plus le voir en scène pésenter un nouveau spectacle. Je m’avoue égoïstement triste d’admettre que les années ont passé, que le tourbillon des sixties et des seventies appartient à l’histoire de siècle d’avant, que je vieillis, que je ne comprends pas tout du monde d’aujourd’hui, que je l’aime moins que celui de mes jeunes années. Même si mes modestes écrits sont loin d’atteindre les sommets de l’extraordinaire carrière de Michel Sardou, j’ai peur, moi-aussi, peur d’avoir dit tout ce que j’avais à dire dans mes livres, nouvelles et chroniques déjà diffusés. Réussirai-je à faire mieux, à me renouveler, à faire plaisir à mes lecteurs, fidèles ou futurs ? Le doute, toujours le doute. Encore une fois, je me sens dans le même état d’esprit que mon chanteur préféré depuis si longtemps. Comme vraisemblablement beaucoup d’hommes et de femmes des générations qui aiment Michel Sardou... Ma génération c’est Loving You, une chanson c’est tout...
QUELQUES LIENS
1977, Une photo, un souvenir, un père, un fils, des courses automobiles, les chansons de Sardou, des livres... http://bit.ly/2uRmDv5
Le visage de l’année mentionné dans un de mes romans, disponible sur Amazon http://amzn.to/1nCwZYd
Icônes des années 70 et jours de course (docufiction) http://bit.ly/1jfXuLQ
Une bande de jeunes pilotes sur un circuit dans les années 70, à l’époque où Michel Sardou chantait Le France http://bit.ly/2bAFnbr
La VW Golf GTI, voiture emblématique de toute une génération de fans de Michel Sardou http://www.designmoteur.com/2016/04/vw-golf-gti-annees-70/
Thierry Le Bras