Avec le confinement dû au coronavirus, ceux qui ne travaillent plus régulièrement ne sont pas rares. Plus question d’aller au bureau tous les jours pour de nombreux professionnels qui tentent de vaquer à leurs tâches chez eux grâce aux possibilités qu’offrent l’informatique et Internet.
Parmi eux, Philippe et Laurent Georjan, deux cousins avocats installés à Paris et dans la soixantaine qui habitent une grande maison à Montlhéry avec leurs épouses respectives et un chat espiègle appelé Félix par analogie avec le félin vedette de spots publicitaires. Vous les connaissez déjà (voir les liens en fin de note).
S’ils se plient au confinement par esprit civique et parce qu’ils n’ont pas vraiment le choix, Philippe et Laurent tournent comme des lions en cage pendant cette période (un point commun avec Félix qui s’imagine volontiers en roi des animaux).
Voici un extrait d’une de leurs conversations intervenue le jeudi 26 mars 2020 à l’heure de l’apéritif.
— Le pouvoir nous incite à boire, plaisante Philippe en servant du Porto à sa femme Julie-Lou ainsi qu’à Marie-Christelle, celle de Laurent, avant de verser du whisky dans le verre de son cousin et le sien. Sans le confinement, nous aurions fait un tennis en double tous les quatre ce soir.
— Nos gouvernants nous empoisonnent en nous poussant vers l’obésité, enchérit Julie-Lou en posant un plateau d’appétissants toasts à la rillettes de saumon et à la terrine fruits de mer sur la table.
— De quoi aurons-nous l’air quand nous aurons le droit de sortir comme avant ? ajoute Marie-Christelle. Nous allons faire peur à la coiffeuse, à l’esthéticienne et à tout le monde dans la rue.
— Philippe et moi, nous faisons encore de la musculation et du vélo d’appartement dans le garage ainsi que du ping-pong dans le jardin, intervient Laurent. Nous devrions garder la forme à défaut du moral. Ne plus voir les enfants nous manque tellement à tous. Et les contacts hors Internet et téléphone avec nos amis aussi.
— Oui, mais la musculation fait plutôt pendre du poids qu’en perdre, rigole Julie-Lou. Et tous les deux, vous seriez plutôt partis pour la semaine des quatre jeudis...
— Parce que nous n’allons plus au cabinet que lorsque nous sommes de permanence ? Interroge Philippe. Il faudrait moderniser l’expression en parlant de semaine des quatre mercredis, non ? T’inquiète, nous n’allons pas devenir feignants après avoir travaillé autant d’années.
— Ce n’est pas que je voulais dire, poursuit Julie-Lou. Je ne considérais pas le jeudi comme le jour de repos des écoliers mais comme la veille du vendredi, période de jeûne jadis. J’insinue juste que vous auriez tendance à faire bombance tous les jours.
- D’accord, rigole Laurent. De toute façon, le mercredi jour de congé des écoliers, nous n’avons pas expérimenté. Nous étions déjà en fac quand ça a été mis en application. Nous ne sommes plus si jeunes les uns et les autres. Nous avons connu France Gall chantant Sacré Charlemagne quand nous étions en sixième.
— Une chanson qui rendait notre prof de musique complètement dingue, se souvient Philippe. Elle ne supportait pas qu’une chanteuse de variétés incite les enfants à se moquer de l’école. Il faut dire qu’elle avait une tête à manger des gâteaux secs et que le second degré et l’humour lui manquaient totalement.
— Absolument, approuve Laurent. D’ailleurs, elle n’a jamais décelé notre potentiel vocal et musical. Nous aurions peut-être pu former un groupe de rock irrésistible si elle avait encouragé notre talent. Que nenni. C’est pour ça que nous n’avions plus qu’à faire droit, devenir avocats, et nous passionner en plus pour la course automobile !
— C’est cela oui, coupe Marie-Christelle. Je vous imagine très bien vous roulant par terre pour hystériser les foules dans des ensembles en cuir noir avant de jeter vos chemises dans le public au moment de sortir de scène...
Tout le monde éclate de rire.
— Dans un sens, le confinement a quelques bons côtés, avance Julie-Lou.
— Je ne trouve pas vraiment, conteste Philippe. Regarde ce pauvre Félix, Il en a sûrement marre que nous squattions sa maison 24 heures sur 24.
— Au contraire, il est ravi que tout le monde le caresse et il n’a jamais autant ronronné, corrige sa femme. Non, je pensais que pendant cette période, il n’y a pas de course automobile. Marie-Christelle et moi, nous n’avons pas de raison d’avoir peur. En temps normal, vous auriez bientôt tous les deux pris place dans un monstre mécanique pour disputer le Tour Auto. Et Mathias et Florian auraient débuté leur saison de circuit dans un autre bolide. Nous aurions eu peur tous les week-ends de course sans jamais vous demander d’arrêter car nous savons à quel point vous aimez ça. Là au moins, nous sommes tranquilles quelques semaines pour nos maris et nos fils.
Philippe baisse la tête. C’est lui qui a entraîné son cousin dans le défi des sports mécaniques et en a fait son navigateur en rallye, poursuivant l’aventure dans les épreuves de véhicules historiques plutôt que ranger casques et combinaisons à un âge où beaucoup ont pris leur retraite sportive. C’est lui qui a transmis à son fils et à son neveu le virus de la vitesse et de la compétition.
— Pas faux, reconnaît Laurent. Le bonheur des uns ne fait pas toujours celui des autres. Et nous sommes tous des égoïstes qui voyons midi à notre porte.
— Exact, admet Philippe. Les pilotes sont des égoïstes, ce qui ne les empêche pas de se préoccuper des leurs et de les aimer. J’avoue par contre être terrifié par l’avenir aujourd’hui. Pas forcément par la maladie et la terreur qui s’est développée, mais par son impact. Outre les malades, les familles des victimes et le personnel de santé mis à rude épreuve, je pense aux commerçants, aux travailleurs indépendants qui se demandent comment ils vont vivre demain, étant précisé que les mécanismes d’aide promis ne leur seront pas forcément applicables car ils ne satisferont pas à tel ou tel critère d’un pouvoir sournois et d’une administration tatillonne. Comment peut-on simultanément fermer les cafés et les restaurants pratiquement sur le champ tout en maintenant le premier tour des élections municipales ? Ah si, j’oubliais, la volonté d’un premier ministre aux abois de s’assurer un parachute s’il parvenait à se faire élire au premier tour dans sa ville. Je pense encore à ceux qui ont déjà du mal à y arriver avec leurs salaires et qui vont se retrouver avec juste une fraction de ce qu’ils touchaient d’habitude. Je pense aux lycéens, étudiants qui se demandent quand et dans quelles conditions ils passeront leurs examens. Je pense à ceux qui exercent leurs activités dans une région saisonnière et qui ne survivront pas économiquement à cette année troublée. Et tant d’autres dont les préoccupations ne sont pas prioritaires mais pour qui ce temps suspendu est un coup dur, voire une catastrophe...
— Catastrophe économique, crise financière et drames à prévoir, ajoute Laurent. Quand nous sortirons du confinement, les cabinets d’avocats et d’experts-comptables vont passer leur temps à préparer des dépôts de bilans. Les chiffres du chômage et des demandes de RSA vont exploser comme jamais encore dans le passé. Réussirons-nous à être les derniers remparts de nos clients contre la misère ?
Tout le monde approuve tristement la sinistre prévision.
— Il va déjà falloir sortir vivants de la pandémie, s’inquiète Julie-Lou.
— En espérant qu’on nous donne de la Chloroquine si nous sommes touchés malgré les manœuvres de la bande à Buzin et de la Macronnie, grogne Philippe. Après tout, si les plus de 60 ans crèvent avant de toucher leurs retraites, ça fera des économies...
— Tu vas te faire traiter de complotiste si tu dis ça à l’extérieur, s’inquiète Julie-Lou.
— M’en fous, répond Philippe. Je ne le crierai pas sur les toits mais je ne suis pas obsédé par le diktat du politiquement correct. N’oublions pas que quand nous doutons de quelque chose ou de quelqu’un, la vérité se révèle le plus souvent pire que ce que nous suspections. Il faut savoir garder le pouvoir de dire non, de s’élever contre la vilénie, la force qui animé De Gaulle quand il a refusé la soumission et choisi de défendre la France libre.
— Parlons de choses plus consensuelles, tempère Marie-Christelle. Ce soir, nous avons préparé des nems puis du dos de colin aux petits légumes avec sa sauce nantaise. Et pour accompagner les mets, un petit Gamay frais. Vous auriez peut-être préféré de la viande les gars, mais comme demain, c’est à votre tour de préparer le dîner et que nous aurons forcément droit à de la viande de bœuf avec une sauce poivre ou béarnaise, nous avons pensé, Julie-Lou et moi, qu’un dîner plus léger serait approprié ce soir...
Éclat de rire général.
— Objection ! clame Philippe. Demain soir, nous ne mangerons pas du bœuf au poivre, mais de l’Osso bucco aux tomates et aux oranges. Je l’ai commandé tout à l’heure à L’Auberge du noisetier. Si le restaurant et l’hôtel sont fermés, la partie plats à emporter reste ouverte. Et nous avons encore le droit de sortir pour des courses de première nécessité.
— Espérons que tous nos proches et tous ceux que nous apprécions prennent bien soin d’eux, conclut Laurent. Hastag StayAtHome puisque le pouvoir n’a pas su fournir des tests, de la chloroquine, du gel hydroalcoolique et des masques à son peuple. Nous ne sommes plus un pays phare mais plutôt une nation naufragée. Pour longtemps, je le crains...
QUELQUES LIENS
Ambiance fin du monde quand la rumeur annonce que tout va s’arrêter http://circuitmortel.com/?p=4052
Cynisme, retraites et vague de meurtres https://bit.ly/2QpFCai
Flash-back au temps de l’adolescence turbulente de Philippe et Laurent http://bit.ly/1nR7R3i
Quelques livres que j’ai commis https://bit.ly/2FYZvnp
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Thierry Le Bras
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