« Conduire dans Paris, c’est une question de vocabulaire », écrivit Michel Audiard pour les besoins du film Mannequins de Paris. Cette phrase culte a marqué plusieurs générations.
Au cinéma ou dans un roman, quelques mots du dialogue plantent le décor mieux qu’une description de quinze pages. Pourquoi ? Parce qu’ils sont décalés et qu’ils plongent instantanément le spectateur ou le lecteur dans l’ambiance particulière de l’histoire. Un jeu de mots dès le titre, c’est sympa.
Des chicanes et des dérapages comme dans le polar ci-dessus (un de mes livres) par exemple, tout un programme pour un héros qui exerce le métier d’avocat et qui participe aussi à des courses automobiles.
Trouver les mots qui frappent fort, c’est la mission de celui qui raconte des histoires, c’est-à-dire l’auteur, le romancier, le nouvelliste ou... l’original qui vit dans ses mondes à lui, ceux où il crée ses personnages, le plus loin possible des contingences du monde réel. Ces petites phrases traversent l’esprit à n’importe quel moment. Sur la route, au restaurant, pendant une réunion de travail, à la plage, au milieu de la nuit… Il faut les noter sur le champ avant qu’elles ne s’envolent.
Parmi les expressions imagées sorties d’autres contextes, j’avoue un faible pour celles issues de la cuisine et des affrontements sportifs.
Sans faire de salades
Souvenez-vous des cours de récréation de votre enfance. Les insultes fusaient entre gamins. Patate, grande asperge, grosse truffe... Un dur à cuire menaçait de réduire les plus faibles en bouillie. La moutarde montait au nez de l’institutrice, celle qui avait une tête à manger des gâteaux secs. Elle mettait son grain de sel partout. Pas question de faire le cake avec elle. Elle était soupe au lait, vous traitait de gibier de potence. Si vous lui répondiez, elle convoquait vos parents et c’était la fin des haricots.
En grandissant, la cuisine et ses ingrédients sont restés des références. Certes, vous avez appris à marcher sur des œufs dans certaines circonstances exigeant de la diplomatie. Mais il arrive encore que vous mettiez les pieds dans le plat et que les choses tournent au vinaigre. Qui n’a jamais subi un dîner où l’on servait la soupe à la grimace ? Sans compter les fins de mois où vous n’avez plus un radis, ni les fois où vous avez l’impression de vous faire rouler dans la farine !
Du sport à la guerre des mots
Quand un coureur au large dit qu’à l’endroit où navigue son voilier, c’est la guerre, ses interlocuteurs comprennent qu’il affronte une terrible tempête. Il se bat contre les éléments. L’usage d’un vocabulaire guerrier imprime la scène dans les imaginations. La course automobile est aussi un univers rude. Au début de sa carrière, Nico Rosberg qualifia le monde la F1 de parc de requins. Felipe Massa compare les trois phases de la séance qualificative d’un Grand Prix à des rounds de boxe. L’idée ne manque pas de pertinence. Un championnat se gagne aux points, comme un combat de boxe, à moins qu’un concurrent domine tellement ses adversaires qu’il leur inflige un KO. Suspense, violence, affrontements impitoyables, héros de tragédies, le sport offre des pages dignes des scenarii mijotés par les maîtres de l’angoisse.
Les comptes rendus des combats les plus violents empruntent d’ailleurs au vocabulaire culinaire. Je m’y suis amusé dans quelques nouvelles disponibles gratuitement sur le Net. Ronnie, le personnage principal est une tête de lard. Un type sympa, au cœur énorme, que la vie n’épargne pas. Ses mésaventures commencent dès l’enfance. Les hasards de la vie scolaire ont fait pousser dans sa classe une grande brute nommée Hyppolite Guémené. Comme la terreur n’a rien dans le citron, elle se fera surnommer l’andouille. Trop tentant avec un patronyme pareil. Quoique costaud et amateur de lutte, Ronnie se trouve exposé comme une dinde de Noël quand l’andouille s’en prend à lui. A la fin des combats, il sera cuit, rouge comme une écrevisse, en marmelade. A moins que le match se déroule sur la plage. Là, son vainqueur lui fera boire la tasse, le ligotera, le laissera saucissonné en attendant que des camarades charitables le détachent. Dès que l’andouille lui saisit les bras ou le soulève sur ses épaules, Ronnie sait que les carottes sont cuites. Lui, d’ordinaire ultra-combatif, se défend à peine. Inutile de chauffer l’andouille, de prendre un marron dans la poire ou de se retrouver avec l’œil au beurre noir après une tarte. L’andouille se moque et lui reproche d’avoir du jus de navet dans les veines. Ronnie sait que quoi qu’il tente, l’autre le mettra en miettes en deux coups de cuiller à pot. Il rêve de lui coller un pruneau dans le buffet.
Mais comme il ne veut pas moisir au placard pendant des années, il réprime son envie d’envoyer l’andouille sucrer les fraises. Entre Ronnie et l’andouille, la mayonnaise ne prendra jamais. La grosse brute deviendra catcheur et choisira un nom de guerre révélateur, l’Ankou breton. Et Ronnie attendra avec impatience le jour où un autre catcheur aplatira son bourreau farci dé tunes (à défaut d’avoir été formé à Béthune) comme une galette… à l’andouille de Guémené bien sûr !
QUELQUES LIENS A SUIVRE
Ronnie freine trop tard et sort de la piste http://circuitmortel.com/2016/01/ronnie-freina-trop-tard/
Une histoire automobile, gourmande et sensuelle à La Baule http://circuitmortel.com/2016/05/navigateur-au-rallye-de-la-baule-1969/
Richard Grieco, l’espion en Lotus ! http://circuitmortel.com/2016/04/richard-grieco-une-histoire-de-trajectoires/
CIRCUIT MORTEL muscle son contenu http://bit.ly/21PfIuS
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Thierry Le Bras