Quel enfant, quel adolescent n’a pas rêvé de s’intégrer dans l’univers qui le fascine, qu’il s’agisse du spectacle, de la mode, de la télé ou du sport ? Cette chance extraordinaire s’offrira à David, adolescent au moment des faits ci-dessous rapportés. Il évoluera dans le monde du sport automobile, naviguera son parrain Éric en rallye – ce qui est possible à partir de seize ans. Mais en jouant dans la cour des grands, David affrontera aussi des événements la hauteur des enjeux.
Pilote amateur le week-end, Éric Trélor troquait sa combinaison ignifugée contre une robe d’avocat pendant la semaine. Et c’était en qualité de juriste qu’il conseillait son ami Freddy Vivien, un des grands animateurs de la F1. Une poignée de pilotes seulement figuraient parmi les champions du monde potentiels. Toutes les écuries de pointe gardaient un œil sur eux. Or cette année-là, le contrat de Freddy avec le Team Priceley arrivait à son terme.
Éric affichait toujours la confiance en soi inébranlable qui caractérise les meilleurs avocats. Il négociait tous les contrats professionnels de Freddy. Ce dernier assista à de nombreuses réunions relatives à la défense de ses intérêts. Jamais Éric ne se laissa déstabiliser, même lorsqu’il réclamait des dizaines de millions de dollars à ses interlocuteurs. Il arrivait que Freddy doive faire appel à toute sa concentration pour dissimuler son angoisse face aux coups de bluff qu’osait Éric. Il se félicitait cependant de suivre ses conseils, car l’avocat sentait intuitivement les limites de ses interlocuteurs et parvenait à les y pousser, voire à leur arracher un effort supplémentaire.
L’écurie Priceley proposait quinze millions de dollars par an à Freddy. Les salaires des stars de la F1 n’atteignaient pas encore les chiffres actuels. Freddy souhaitait obtenir dix huit millions et savait qu’une autre équipe, moins performante mais dotée d’un budget confortable, signerait à seize millions. Certains pourraient considérer les salaires des pilotes excessifs. Mais il ne faut pas oublier qu’une carrière au plus haut niveau est courte, que les risques physiques sont importants, que les impôts en France ont presque toujours été écrasants et punitifs, et enfin que si les pilotes veulent engranger du blé, c’est aussi pour nourrir des projets. Tel était le cas de Freddy qui investissait beaucoup de ce que l’État ne lui confisquait pas dans la firme Vivia, petite entreprise bretonne qui fabriquait des voitures sportives et créait ainsi des emplois à proximité de Lorient. En outre, un millionnaire du loto ne se voit jamais reprocher sa fortune qui n’est due qu’au hasard. Pourquoi un sportif exceptionnel qui travaille tout le temps devrait-il avoir honte de sa valeur sur le marché ? Rien n’interdit aux jaloux d’essayer d’atteindre son niveau et de se vendre au meilleur prix.
Plutôt que discuter pendant des semaines avec Tom Priceley, Éric mit un scénario au point. Il se rendit au Grand Prix de Silverstone avec David. Il ignora l’Anglais, se contentant de lui serrer la main poliment lorsqu’il le rencontrait le matin.
- Il faudrait que nous nous voyions bientôt pour parler de l’année prochaine, avança Tom le vendredi après-midi après les essais.
- Certes, certes, répondit distraitement Éric. Plus tard. N’imposons pas une pression supplémentaire à Freddy ce week-end. C’est déjà assez dur de se battre contre les McLaren et les Ferrari avec une Priceley cette année sans devoir négocier son salaire avec un team manager qui gémit comme si on le torturait au fer rouge dès qu’il entend le mot dollar.
Tom accusa le coup.
« J’avais seize ans cet été-là, se souvient David. Compte tenu de mon âge, j’étais censé ne pas savoir dissimuler mes sentiments. J’en ai rajouté. J’ai agi comme si tout était fini entre Freddy et le Team Priceley. J’affichais un air boudeur dès que je croisais Tom et ses collaborateurs ».
« Je m’intéressais ostensiblement à la Scuderia. Je rôdais autour de leur stand et de leur motor-home. Je prenais plein de photos des Ferrari. Je m’efforçais de discuter avec les jeunes qui accompagnaient l’équipe. »
Le samedi matin, Éric s’afficha avec le patron des rouges dans le paddock de Silverstone, puis il laissa échapper devant des journalistes que la couleur de la combinaison de Freddy changerait peut-être la saison suivante.
Les rumeurs circulent très vite dans le milieu de la F 1. Dès le lendemain, la presse sportive mondiale évoquait l’arrivée du pilote français chez le constructeur de Maranello. « Vivien vengera-t-il son ami Pironi ? lisait-on en première page de couverture d’un grand quotidien national. Sera-t-il le premier Champion du monde français au volant d’une Ferrari ? ».
Du côté de Modène, où on discutait les salaires des pilotes au titre de la saison suivante, personne ne démentit l’information. Les pilotes des voitures rouges se montreraient moins exigeants s’ils sentaient la menace de se voir remplacés par un champion du monde. Le jeu des chaises musicales et de la chasse aux baquets inquiète traditionnellement les pilotes et leurs agents. Éric pariait sur ce phénomène. Il ne lui restait plus qu’à attendre que l’employeur de Freddy soit à point pour entamer une négociation. Cela ne demanda que quelques heures.
Freddy, Éric et Tom se rencontrèrent discrètement dans un grand hôtel de Londres dès le lundi après-midi suivant le Grand-Prix.
Éric négocia finalement vingt trois millions de dollars pour chacune des deux saisons suivantes en faisant croire à Tom que s’il refusait, Freddy signerait immédiatement chez Ferrari. L’Anglais s’inclina, soucieux de conserver la collaboration de son pilote vedette et disposé à consentir un effort notable pour éviter de le retrouver comme adversaire. Éric bluffait. Aucune négociation n’avait jamais été entamée avec Ferrari.
« Je n’assistais pas à l’entretien, rapporte David. J’étais trop jeune. J’attendais dans un autre hôtel. Quand Freddy et Éric me rejoignirent, je compris à leurs sourires qu’ils avaient obtenu gain de cause. J’étais content. Nous souhaitions que la carrière de Freddy reste liée à l’écurie de Tom Priceley, un peu comme Jim Clark avec Lotus. Nous savions qu’à défaut d’accord avec Tom, Freddy retrouverait tout de suite un bon volant, mais ce n’était pas le but recherché. »
QUELQUES LIENS A SUIVRE
L’auto-école en Lotus http://bit.ly/1Q5ghzu
La fan du pilote http://bit.ly/1pNE7oX
Et Ronnie freina trop tard http://bit.ly/1TPtP0s
Thierry Le Bras