Jamais un contentieux successoral n’avait attiré l’attention des médias comme l’héritage Hallyday. Pourtant, les différends ne sont pas exceptionnels quand le défunt a fondé plusieurs familles. Une famille recomposée existe parce qu’avant, une autre famille s’est décomposée.
Pas question de limiter ma chroniquer au contentieux qui oppose David et Laura à Laetitia Boudou, la cinquième épouse de Jean-Philippe Smet, autrement dit Johnny Hallyday. J’ai été touché par David et Laura le jour de la cérémonie à La Madeleine. Leurs visages ravagés de douleur ne laissaient aucun doute quant à l’amour qu’ils portent à leur père. La tristesse de leurs mères respectives, Sylvie Vartan et Nathalie Baye, témoignait de la sincérité et de la qualité des sentiments pour l’homme disparu dont elles avaient partagé la vie.
Comment ne pas s’inquiéter également pour Jade et Joy, ces petites filles déjà éprouvées par la vie ? Souhaitons que le règlement définitif de la succession trouve une conclusion équitable et protège vraiment ces enfants sans exclure les aînés.
J’ai été le témoin de manœuvres discutables dans des familles recomposées. J’ai consacré des chroniques aux techniques sournoises employées dans le but de déshériter les enfants des premiers lits au profit de dernières épouses exigeantes, voire cupides. Contrairement aux apparences et à une croyance répandue, point n’est besoin de résider dans des pays aux législations souples lorsqu’on vise cette finalité. J’écris un livre sur ce thème. Jusqu’à présent, je ne m’étais pas fixé d’échéance. Le sujet s’avère douloureux et plonge inévitablement dans des histoires ou /et souvenirs cruels. L’épreuve infligée à David et Laura m’incite à accélérer le rythme. Tant de personnes dans l’impossibilité d’organiser une défense forcément coûteuse sont victimes d’agissements anormaux que chacun doit apporter sa contribution au légitime combat des enfants des premières unions.
Les successions exacerbent les passions
Témoignages de poches et appréciations d’experts l’ont rappelé, déshériter un enfant relève d’une grande violence. C’est quasiment une insulte post mortem lui signifiant qu’il a moins compté que les autres, le reniant. Tout au moins si le défunt a été conscient de ses actes et ne s’est pas contenté de céder aux pressions d’une femme sans scrupules.
Après avoir publié une chronique attirant l’attention sur des manœuvres lésant des héritiers au mépris du Code civil français et au profit des dernières épouses, j’ai reçu un appel d’une de ces femmes désireuses de rentabiliser sans partage le temps passé aux côtés d’un époux plus vieux mais chef d’entreprise connaissant une certaine réussite professionnelle. Elle s’indignait que mes écrits puissent aider des héritiers dans la situation des enfants du premier lit de son mari. Elle affirmait ne vraiment pas comprendre pourquoi ces enfants nés de son premier mariage auraient droit à quelque chose. A son sens, le divorce d’avec leur mère devrait rompre les liens de filiation entre père et enfants...
Des problèmes de riches ne concernant que des privilégiés ? Bien fait pour des enfants présumés gâtés et redistribution des patrimoines, penseront certains... Une appréciation qui mérite d’être corrigée. Dans les milieux les plus modestes, le partage d’un héritage causera peut-être moins de contentieux. Par contre, le règlement d’une pension alimentaire fera-t-il partie des priorités s’il rend la nouvelle compagne furieuse ? Sans parler des souvenirs après la disparition du de cujus. Que ceux qui comptent des familles recomposées parmi leurs fréquentations réfléchissent objectivement à l’attitude de la belle-mère face aux enfants de son mari. Combien de marâtres dignes des contes populaires et combien de femmes honorables et justes ? Seule une étude portant sur un échantillon important permettrait de dégager une statistique fiable. Quelques cas suffisent à ressentir une difficulté dans de nombreuses familles recomposées.
La disparition du de cujus met fin aux mauvaises paix. Les descendants exclus de sa succession auront également été écartés de la vie de leur géniteur. Ils auront ressenti qu’ils dérangeaient sa dernière femme, que leur présence causait un malaise. Ils se seront éloignés d’eux-mêmes afin de ne pas causer de conflits. Non par désintérêt vis-à-vis de leur père, mais par souci de ne pas provoquer des difficultés dans son nouveau couple. Une fois l’ascendant disparu, plus de raison de préserver une marâtre, surtout lorsqu’ils l’ont perçue comme une femme plus intéressée par la situation de leur père que par sa personne. Il arrive que des faits viennent rapidement conforter leur légitime méfiance. Je citerai un exemple. Un homme atteint d’une maladie grave s’éteint en fin d’après-midi à l’hôpital. Dès le lendemain matin à neuf heures, sa dernière épouse se précipite à sa banque. Elle retire le maximum d’argent possible avec la carte bleue du disparu. Puis elle utilise la procuration obtenue sur le compte du défunt mari, ce qui lui permet d’effectuer des virements conséquents sur son compte personnel. Voilà en tout cas une deuxième épouse dont le veuvage n’a pas épanché la soif d’argent. Un exemple parmi d’autres. Une raison justifiant la contestation des opérations suspectes au sein des familles recomposées.
Déshériter ses enfants, un sport à la mode ?
Apparemment oui. Au point en tout cas de décider l’équipe de Complément d’enquête à diffuser un numéro traitant cette problématique le jeudi 5 avril 2018.
L’émission commençait par un reportage sur l’héritage Hallyday. J’éviterai de m’étendre sur Laetitia Boudou et son clan. L’avocat de Boudou m’a presque fait rire. Il ne m’a convaincu que de son grand attachement aux intérêts de sa cliente et d’un talent indéniable en matière de communication judiciaire. En ce qui me concerne, la photo publiée sur un réseau social par la grand-mère Boudou - la fameuse Mamie Rock - m’a donné la nausée. Le doigt d’honneur adressé à tous ceux qui l’ont vue ne semblait-il pas hurler « je vous ai bien eus » et en prime, je me fous de vous, je vous provoque ? Quelle vulgarité... Et que penser des commentaires stupéfiants de cette dame lorsqu’elle se présente en femme de paille gérante de sociétés pour rendre service sans payer d’impôts ? Elle ne faisait rien, l’avocat s’occupait de tout. Était-il dirigeant de fait des entreprises bien que cette situation semble difficilement compatible avec le métier d’avocat ? Heureusement qu’un défenseur de la famille vient expliquer ensuite que les sociétés étaient des coquilles vides n’existant qu’à cause d’histoires avec l’administration fiscale. Mais alors comment, où et pourquoi les actifs se sont-ils évaporés ? Au bénéfice de qui ? Au préjudice de qui ? Qui a signé les ordres de transfert ? Johnny aimait chanter, jouer du Rock’n’Roll, les guitares, les motos, les bagnoles, les fêtes avec ses potes, ses enfants, tous ses enfants... J’ignorais sa maîtrise des montages juridiques et fiscaux complexes. J’aimerais par contre que Laetitia Boudou réponde aux questions posées par Monsieur Philippe Bilger, magistrat de grande qualité, dans une chronique en ligne sur son blog (cf lien en fin de note). A ma connaissance, elle ne le fait pas. L’art de répondre clairement et avec sincérité constitue un exercice si différent de la recherche des objectifs des caméras à tous les instants...
La seconde partie de Complément d’enquête rapportait des témoignages et avis d’experts expliquant des manœuvres destinées à déshériter des descendants. Bizarrement, aucune belle-mère n’est venue raconter à visage découvert qu’elle avait fait la comédie à son mari jusqu’à ce qu’il déshérite ses premiers enfants. Timidité ? Ou alors... Aucune ne reconnaîtra publiquement une filiation spirituelle avec Béline, personnage subtilement décrit par Molière, la seconde épouse d’Argan dans Le malade imaginaire. Cette marâtre au cœur de pierre attend avec impatience la mort de son mari tant elle a hâte de capter son héritage. Je pourrais enrichir cette chronique d’anecdotes sordides sur les comportements de marâtres mais je les conserve afin de les insérer dans mon livre conçu sous l’angle HÉRITIERS LÉSÉS, DÉFENDEZ-VOUS !
Lors de Complément d’enquête, Nathalie Couzigou-Suas, notaire et co-auteure de l’ouvrage L’héritage pour les nuls confirma être régulièrement consultée par des personnes voulant déshériter leurs premiers enfants. Elle mentionna les arguments mis en avant par les hommes qui lui faisaient part de cette préoccupation. J’ai cru comprendre qu’ils considéraient que leurs enfants aînés s’étaient éloignés d’eux et interprétaient qu’ils avaient pris le parti de leurs mères dans la guerre juridique de divorces difficiles.... Le reportage a tout de même mis en évidence que ces enfants subissaient la double peine car ils avaient d’abord supporté un déchirement familial et se voyaient plus tard désavantagés dans les dispositions successorales. Double peine ou triple peine, suis-je tenté d’ajouter. Car certaines marâtres savent diaboliquement pourrir les relations d’un père avec ses enfants, gâcher les moments de communication entre les générations, détruire des complicités autour de passions communes.
L’utilisation de techniques discutables afin d’écarter des héritiers légitimes ne se limite pas aux grandes fortunes. Elle n’a que deux limites, la rouerie de la bénéficiaire et la faiblesse du futur défunt. Il est possible de déshériter ses enfants en France, sans avoir besoin de s’exiler à l’étranger. L’ambition de mon prochain livre sur ce thème ? Fournir aux victimes quelques pistes les aidant à déjouer les manœuvres à leur encontre. Et aussi sensibiliser les médias et les politiques aux failles de notre droit, des insuffisances qui profitent à des personnes sans scrupules.
QUELQUES LIENS
Les questions de Philippe Bilger à la veuve de Johnny Hallyday http://www.philippebilger.com/blog/2018/02/questions-%C3%A0-laeticia-hallyday-par-un-admirateur-de-lartiste-johnny.html
« Marâtres, détournements et petits meurtres », une chronique sur les dérapages des familles recomposées http://polarssportsetlegendes.over-blog.com/article-maratres-detournements-et-petits-meurtres-110748178.html
La marâtre qui aimait trop la galette (fiction humoristique illustrée décrivant l’ambiance des déjeuners dominicaux dans une famille recomposée) http://bit.ly/1SRX3i4
L’héritage pour les nuls, un livre de Nathalie Couzigou-Suas et Laurence de Percin https://www.amazon.fr/H%C3%A9ritage-pour-Nuls-Nathalie-COUZIGOU-SUHAS/dp/2754033726
Les méchants sont bien moins terribles que dans la vraie vie http://polarssportsetlegendes.over-blog.com/2017/02/le-bon-mechant-dans-les-fictions.html
Thierry Le Bras