« Nous étions en 1968, se souvient Philipe Georjan. Un rallye incroyable se disputait entre Londres et Sydney. Mon ami Xavier Ferrant, pilote professionnel, avait hésité à y participer. Il aurait aimé partir avec une Ford Cortina Lotus ou une Porsche 911. Mais il avait renoncé car Mathieu Daramon, - le patron du Team UTP qui le faisait courir - n’était pas chaud ».
« Monsieur Daramon préférait consacrer son budget compétition à l’acquisition d’une Porsche 908 pour la saison d’endurance 1969 ainsi qu’à de nouveaux châssis pour faire courir Xavier et son équipier Dany et F1 dans de bonnes conditions. Xavier aurait sans doute pu trouver un sponsor ponctuel pour cette course. Mais son patron semblait craindre un accident et des problèmes divers sur cette course un peu folle. En outre, il ne souhaitait pas voir ses pilotes s’y engager sous d’autres couleurs. Xavier s’était donc abstenu. Dany, l’autre pilote du team UTP aussi. L’équipier de Xavier en endurance s’était investi dans un programme Rallye de Monte-Carlo avec une Alfa Romeo. Une épreuve qu’acceptait mieux le patron du Team d’autant que le sponsor était un de ses gros clients. Quant à Xavier, qui s’apprêtait à passer le début de l’hiver à la maison, il s’était finalement vu proposer le volant d’une DS 21 pour un rallye qui se déroulait en Finlande la dernière semaine de décembre. Monsieur Daramon avait donné son aval sans difficulté car il visait des marchés dans les pays nordiques.
« Mon cousin Laurent adorait les DS 21. C’était la voiture de son père et Laurent considérait alors que rien ne valait une DS. Moi, j’avais un faible pour les Cooper S, les Porsche 911 et les Cortina Lotus. J’avais essayé l’année précédente de convaincre mon père de troquer sa Ford 20 M TS pour une Cortina Lotus. En vain. Il avait trouvé le modèle qui me faisait rêver inconfortable, trop brutal et trop cher. Il lui avait préféré une Opel Rekord certes plus civilisée, mais moins enthousiasmante.
« Notre pote Christian, fils de garagiste, ne jurait que par la Mustang et grosse Ford Falcon. Quant à Brice, un autre copain qui voulait courir plus tard lui-aussi, il supportait inconditionnellement un équipage privé irlandais qui prenait le départ avec une 404 Injection. Atavisme familial sans nul doute. Son père et son grand-père roulaient en Peugeot…
« Nous fûmes tous déçus de l’accident de Lucien Bianchi. C’était si cruel d’être éliminé de la course si près du but.
« Je rêvais naturellement déjà de courir plus tard. Et je m’imaginais volontiers au départ d’un futur Londres-Sydney en 1978. Je ne réalisais pas encore que les amateurs qui gagnent leur vie dans l’exercice d’un autre métier peuvent difficilement participer à des courses aussi longues et aussi dures. Je faisais aussi l’impasse sur mes carences en mécanique – j’étais en première littéraire - et je ne m’inquiétais pas du fait que Laurent, qui suivait la même filière et serait mon futur navigateur en rallye, n’était pas plus bricoleur ni dépanneur que moi. L’optimisme de la jeunesse nous plongeait agréablement dans le rêve en nous préservant des basses contingences que nous découvririons bien assez tôt. Pour l’heure, à nous les projets de grands espaces avalés à des vitesses infernales dans l’excitation des sauts sur les bosses, des dérapages sur la terre battue et des vrombissements de moteurs rageurs ! Les autres n’avaient qu’à bien se tenir. Ils ne verraient que les nuages de poussière soulevés par les roues arrière de notre bolide.
En attendant, la date du rallye disputé en Finlande tombait bien puisqu’elle correspondait aux vacances de Noël. Laurent et moi eûmes la chance d’y accompagner Xavier et son équipe. Une aventure exceptionnelle. Contrairement à ce que nous redoutions, le froid ne fut pas notre pire problème. Par contre, des espions venus de l’Est s’invitèrent sur l’épreuve. Les temps changent. De nos jours, les Russes sont les meilleurs alliés de l’occident dans la lutte contre notre principal ennemi, l’État islamique. A l’époque, fin 1968, le bloc communiste était encore très fort, entreprenant et inquiétant. Ce rallye disputé dans la neige face au souffle glacial mérite d’être raconté. Dès que je parviens à cadrer un moment avec mon biographe, Thierry Le Bras, nous nous attelons à cette tâche. Il vous faudra encore patienter un peu. D’autres travaux nous attendent avant...
DES LIENS A SUIVRE
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Quand les pilotes tendent leurs trajectoires vers les horizons lointains http://bit.ly/2g6fimT
Philippe Georjan
(propos recueillis par Thierry Le Bras – Vous êtes surpris qu’un personnage de fiction s’exprime et signe ? Vous avez tort, les personnages de fiction vivent dans un univers parallèle où ils entraînent leur créateur et les lecteurs de leurs aventures. Pourquoi ne s’exprimeraient-ils pas ? C’est la magie de la fiction, chers lecteurs. En tant qu’auteur, je ne suis que le biographe de mes personnages; Je leur suis reconnaissant de m’accepter dans leur monde et d’obtenir d’eux l’autorisation de rapporter les temps forts de leurs existences)